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Jacques Lecomte, Docteur en psychologie

Docteur en psychologie,  président-fondateur de l’Association française et francophone de psychologie positive, Auteur .
Pour une biographie complète, voir : http://www.psychologie-positive.net/spip.php?article8

site : www.psychologie-positive.net

 

Bonjour Jacques Lecomte,

Je suis ravie de vous accueillir sur “Parole Donnée”. Nous nous sommes rencontrés à un colloque sur “les fragilités”.

Vous interveniez, en particulier, sur le thème des jeunes.

J’ai trouvé vos propos à la fois sensibles et passionnants et j’ai eu envie de vous interpeller.

Merci de nous faire part, ici, de votre vision du monde.

Boris CYRULNICK dit que la résilience «C’est la capacité à bien vivre et à se reconstruire après un traumatisme”.

Que reste-t-il et comment trouver un sens à sa vie pour les personnes qui ne parviennent pas à cette  résilience  ?

Je n’ai pas vraiment de réponse à la cette question. Je connais bien les processus qui conduisent à la résilience. Mais pourquoi certaines personnes entrent dans ce processus et d’autres non, je suis bien incapable de le dire, et je pense qu’il en est de même pour la plupart  des spécialistes de la résilience (peut-être tous ?). On peut le regretter au niveau individuel, en particulier lorsqu’on aimerait savoir comment aider une personne que l’on aime et qui souffre. Mais on peut aussi se dire que s’il suffisait de connaître le “truc” qui conduirait automatiquement les gens à la résilience, la liberté humaine disparaitrait totalement et chacun ne serait que le fruit des influences de son environnement.
Je précise également que la résilience peut parfois surgir fort tard dans la vie d’une personne. Donc, on ne peut jamais dire qu’une personne n’est pas résiliente, mais seulement qu’elle n’est pas encore entrée en processus de résilience.

 

La maltraitance psychologique laisse-t-elle plus de traces que la maltraitance physique ? Comment aider les enfants en souffrance ?

Il y a une dizaine d’années, j’ai fait une thèse de psychologie sur la résilience des personnes anciennement maltraitées et qui sont devenues des parents affectueux. J’ai alors pu constater que la la maltraitance psychologique a des effets néfastes à long terme plus importants que la maltraitance physique (ce qui ne signifie évidemment pas que la maltraitance physique n’est pas grave). Deux arguments me permettent d’avancer cela :


   – les personnes à la fois maltraitées physiquement et psychologiquement estiment que c’est la maltraitance psychologique qui laisse les squelles les plus graves.
   – les personnes ayant été “seulement” maltraitées psychologiquement vont généralement moins bien que les personnes ayant été maltraitées à la fois physiquement et psychologiquement.

On peut interpréter cela de cette manière. Les enfants ont tendance à diviser l’univers des adultes en deux catégories : les gentils et les méchants.

La distinction est assez simple à faire : les méchants tapent et font mal, les gentils non.  
Dès lors, l’enfant maltraité physiquement peut assez facilement se dire que son parent est “méchant”.

En revanche, l’enfant maltraité “seulement” psychologiquement estime avoir un parent gentil puisqu’il ne tape pas. Et si ce parent “gentil” lui dit qu’il est un imbécile, qu’il ne fera jamais rien de sa vie, etc., alors l’enfant risque fort de prendre cela comme une vérité puisque son parent est “gentil”.
J’ai longuement expliqué cela dans le chapitre 4 de mon livre “Guérir de son enfance” (éd. Odile Jacob, 2004).

Partagez-vous le point de vue rousseauiste d’Olivier Maurel  quand il écrit que « la nature humaine est bonne et que la violence éducative ordinaire peut pervertir cette nature  » ?

Olivier Maurel a à la fois raison et tort. Oui, il y a effectivement une tendance précoce de l’enfant à l’empathie (des travaux tout récents l’ont montré), mais il y a aussi une potentialité à faire mal chez l’enfant. Et surtout, cet auteur porte son attention exclusivement sur les gifles et les fessées, alors que, comme je viens de le dire, la maltraitance psychologique peut faire bien plus de dégats. Or, des études ont montré que dans les pays où l’on a interdit la fessée dans les familles, les parents ont tendance à “compenser” cela en augmentant la maltraitance psychologique (menaces, dénigrement, etc.) dans les moments de conflit parent-enfant.
Il ne s’agit pas de ma part, d’une justification des fessées.

Je pense que la meilleure éducation devrait pouvoir se passer de fessées, mais je suis tout aussi convaincu que ce n’est pas une législation qui résoudra les problèmes

Propos recueillis le 22 mars 2011