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Guy Corneau, psychanalyste et auteur

Psychanalyste québécois, auteur

Dernier ouvrage : “Revivre” Editions de l’Homme.

Site : www.guycorneau.com

 

Toute ma gratitude cher Guy Corneau pour ce temps de partage téléphonique entre le Canada et la France, un soir de ce mois d’avril ; votre gentillesse et vos éclairages sur toutes les questions qui se sont soulevées en moi au fur et à mesure que je vous écoutais et que nous approfondissions notre échange.

La maladie, vous connaissez. Nous en débattrons dans cette interview. Vous êtes quelqu’un qui “revenez de loin” et de ce voyage vous rapportez, non seulement une ouverture de coeur encore plus grande, mais aussi un témoignage sans nul conteste soutenant et nouveau sur la manière de rentrer en lien avec elle.

Dans votre dernier livre Revivre vous invitez le lecteur à mettre en conscience les facteurs profonds de l’apparition de la maladie. Pour autant considérez-vous que tout à du sens ?

Dans l’absolu, je considère que tout à du sens ; en fait cela vaut toujours la peine d’ouvrir la question psychologique ou la question du sens par rapport à n’importe quelle atteinte physique. Par exemple concernant la grippe : c’est rare que l’on attrape la grippe si l’on n’est pas trop fatigué. Dans la grippe il y a toujours un message de repos, de retour à soi-même, d’être plus attentif à son rythme de vie, à la manière dont on se traite. Je trouve que cette vérité par rapport à la grippe est valable pour toutes les grandes maladies. Bien sûr, un cancer ce n’est pas une grippe, mais c’est le même genre de démarche. C’est à dire que notre corps nous manifeste avec beaucoup de fidélité, de loyauté, une sorte d’intelligence universelle, qu’il y a un dysfonctionnement quelque part et ce dysfonctionnement-là parfois est à un niveau physiologique et parfois au niveau psychologique. Il y a un désalignement dans l’être. Un manque de cohérence ; quelque chose comme ça qui est à corriger, à revoir. C’est donc toujours intéressant de se poser la question au niveau psychologique, du genre « comment j’ai pu prêter le flanc à cette atteinte au niveau psychologique et tout à fait inconsciemment ? ». Ca ouvre toujours des portes à des révélations. Je pense que l’intérêt est surtout de se poser la question, d’ouvrir la question du sens. Il y a des gens qui deviennent même maniaque à essayer de trouver le bon sens. Le sens qui est juste. Mais en réalité ce qui est important c’est de rentrer dans une sorte de dialogue avec soi, d’accepter un dialogue avec l’inconscient, et dans ce cas-ci, l’inconscient du corps. Bien sûr que les réponses sont importantes, il y a vraiment des réponses intéressantes mais en même temps c’est d’accepter que quelque chose nous parle de notre intégrité profonde, notre soi profond parle à travers la maladie. Et dans ce sens là, on peut dire que la maladie participe à l’intelligence universelle, c’est la partie la plus enfantine de nous-mêmes, c’est la partie irrépressible, celle qui ne s’adapte pas, qui ne se contrôle pas. Une grippe, on sait à peu près comment ça va aller, mais on ne sait pas vraiment le temps que ca dure : ca peut durer 10 jours ou un mois.

Alors, c’est quand même intéressant d’accepter la maladie comme étant un message de santé en soi, quelque chose qui vient me dire « il y a quelque chose qui ne va pas dans la manière de vivre ta vie» tant au niveau physiologique que psychologique.

Je rencontre à mon cabinet et ailleurs des personnes qui me disent se sentir coupables d’être malade, car ils le vivent comme « je me suis fait cette maladie » et ils sentent écrasés par l’idée d’être responsable de leur maladie.

Oui, je pense que cette culpabilité-là ne sert à rien. En réalité, on prend beaucoup de mesures dans nos vies pour survivre et ces mesures-là sont des mesures protectrices tout à fait inconscientes. La maladie va nous permettre de nous découvrir, nous révéler à nous-mêmes. Ce qu’on a mis en place, qui au début nous aide à survivre, maintenant est devenu une prison.

Par exemple, si quelqu’un s’est beaucoup adapté et même suradapté à l’extérieur pour avoir un peu de reconnaissance ou un peu d’amour, ça va entraîner un grand écart avec elle-même, un écart entre soi et soi-même et c’est dans cet écart que la maladie va s’installer .

Il faut ramener la personne à de justes proportions : il y a la question d’être à l’écoute des autres, mais aussi d’être à l’écoute de soi. Donc la maladie va être une opportunité, un temps de révélation à soi-même.

Moi je le traite beaucoup plus comme ça. J’encourage les gens à ne pas se sentir coupable. Au fond la maladie s’est mise en place parce qu’effectivement ils ont dû répondre à la vie d’une certaine façon et maintenant c’est le moment de l’abandonner pour en épouser d’autres.

J’aime mieux dire aux gens : la maladie c’est un temps pour découvrir vos propres ressources, mais aussi les ressources de votre environnement, de nouvelles façons d’approcher la maladie ou même d’autres ressources comme l’acupuncture, l’homéopathie, les traitements énergétiques, la méditation, la visualisation. On peut s’ouvrir aux traitements de l’hôpital et à beaucoup d’autres traitements aussi.

Je ne vois pas ça sous un angle de culpabilité mais plutôt de responsabilité croissante par rapport à soi, de réappropriation de soi-même au fond. Une sorte de responsabilité créatrice.

Est-ce que l’on peut parler de « réappropriation de soi-même » lorsqu’on est un enfant qui a une grave maladie ? Ce cheminement que l’on peut avoir en tant qu’adulte, comment se décode-t-il par rapport à un enfant malade…et notamment lorsqu’il meurt ?.

Si notre angle de vue est uniquement cette vie-ci, on est coincé avec la question de la maladie des enfants. Si on espère qu’il y ait une vie après la mort, on peut penser qu’il y en ait une avant la naissance. On arrive donc déjà probablement avec des charges. Pour avoir accompagné des parents d’enfants malades ou qui sont morts, je me suis rendu compte que ces enfants-là jouaient un rôle extrêmement précieux d’ouverture du cœur. Je ne connais pas de parents de ces enfants-là qui n’ont pas dû s’ouvrir le cœur énormément et apprendre à mettre cela en priorité dans leur vie.

Donc je me dis que cet enfant-là est venu jouer un rôle primordial dans la vie de ces êtres-là. Et peut-être qu’il est arrivé avec une charge de manque d’amour et tout d’un coup, cette maladie a fait qu’il a pu recevoir énormément d’attention et que son mandat de vie était pour ainsi dire terminé et qu’il a reçu ce qu’il devait recevoir mais il a aussi donné ce qu’il avait à donner.

En fait, ce sont des perspectives devant le mystère. On ne sait pas non plus pourquoi certaines personnes font tout ce qu’il faut pour guérir, essaient ces différentes médecines et ne s’en sortent pas, et d’autres qui ne font pas grand-chose s’en sortent. Il y a un impondérable, un mystère. J’aime mieux dire qu’on met tout l’environnement soignant qui est nécessaire pour devenir notre propre médecin intérieur, mais qu’au fond la véritable guérison est intérieure, justement. Se préparer pour un retour à la santé c’est la même chose que se préparer pour mourir. Ce sont les mêmes gestes, la même visée d’une joie profonde, d’allécher son cœur en réglant ses propres relations qui sont restées dans des conflits mal résolus. C’est exactement la même chose, mais ce que l’on doit viser, c’est un changement d’attitude très profond, d’attitude intérieure par rapport à la vie et soi. La maladie vient souvent témoigner d’un désamour inconscient de soi-même, un manque d’amour et d’attention envers soi. Non au sens égocentrique, mais un manque d’attention envers la vie qu’on porte et qui nous porte.

Vous voulez dire qu’il y aurait quelque chose de l’ordre d’une mission à accomplir et la personne partirait lorsqu’elle a accompli ce pour quoi elle est venue sur Terre ?

Peut-être d’ailleurs, pensons-nous parfois connaître notre mission et en fait la vie nous amène ailleurs, là où on imaginerait même pas …

Oui, on a des mandats de vie mais quelque fois on n’est pas capable de les compléter. Il y a trop de fatigue. Le corps est trop fatigué pour se régénérer complètement.

Il y a des phénomènes comme ça qui sont en jeu et qui vont demander une grande acceptation et un grand amour de soi pour accepter de partir dans des conditions qui ne sont pas idéales pour nous. De la vie, on peut toujours  apprendre quelque chose.

La plus grande leçon de la vie c’est d’apprendre à s’aimer. Ça paraît simple et en même temps….

Pour certains, le but de la vie, c’est d’apprendre à respirer. Ils ont tout à fait raison : on est contracté et c’est pour cela qu’il y a de la maladie. La maladie vient révéler les points de contraction aux niveaux physique et psychologique, dévoiler cet aspect-là (comment le corps accompagne sans cesse le psychique) c’est pas vrai qu’il y a le corps et l’esprit ; c’est une même chose : c’est un être.

(A noter : l’échange tétéphonique est rapporté tel que ci-dessus. Il n’est donc pas écrit de manière littéraire)

 

(Guy Corneau nous a quitté le 5 janvier 2017).